/

L'expropriation dans le cas d'un projet de zones d'activité économique mixte

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 139 (2014-2015) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 04/12/2014
    • de STOFFELS Edmund
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Dans un arrêt de la Cour constitutionnelle, il est décidé que la disposition de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique qui exclut l'application du droit de rétrocession viole la constitution.

    Si la loi de 1970 a déjà été abrogée il y a plusieurs années, d'autres normes légales plus récentes comportent aussi une exclusion du droit de rétrocession comme, par exemple, le décret de la Région wallonne du 4 juillet 2002 sur les carrières et modifiant certaines dispositions du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement et le décret de la Région wallonne du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques.

    La décision de la Cour constitutionnelle risque donc de mettre en difficulté ces normes. D'ailleurs la Région wallonne a combattu la thèse des propriétaires qui avaient été expropriés et qui ont plaidé devant la Cour constitutionnelle. Agissant de la sorte, le Gouvernement a exprimé son inquiétude pour les législations respectives.

    La problématique est que l'expropriation se fait pour cause d'utilité publique et que la raison pour laquelle l'expropriation a été faite ne se matérialise pas, le propriétaire exproprié se trouvant effectivement dans une situation de discrimination par rapport à d'autres qui peuvent continuer à jouir de leur bien. Cet arrêt de la Cour rétablit un équilibre entre l'autorité et le propriétaire en ligne dans la portée du droit exorbitant accordé à l'autorité. Telle est l'analyse faite par l'avocat Olivier Déry.

    Quel est, selon l'analyse de Monsieur le Ministre, le risque qu'il en aille de même pour les décrets wallons de 2002 et 2004? Dans quelle mesure cet arrêt de la Cour constitutionnelle sera-t-il important pour les expropriations dans le cadre de projets de zone d'activité économique mixte ?
  • Réponse du 31/12/2014
    • de PREVOT Maxime

    J’accuse bonne réception de la question écrite et en remercie l'honorable membre.

    Sa question est hautement juridique et je vais m’efforcer d’y répondre le plus simplement possible.

    Tout d’abord, en ce qui concerne le décret du 4 juillet 2002 qui traite le cas précis des carrières, je vous invite à interroger à ce sujet mon collègue, M. Carlo Di Antonio, ministre compétent pour cette matière.

    Pour le reste, en guise d’introduction, il convient d’exposer ce qu’est le droit de rétrocession.

    C’est le droit, pour un ancien propriétaire (ou ses ayants droit), de racheter le bien qu’il lui a été exproprié pour un prix ne pouvant dépasser le montant reçu à titre d’indemnité d’expropriation(1). Ce droit de rétrocession ne lui est ouvert que si le but d’utilité publique poursuivi par l’expropriation n’a pas été réalisé totalement par le pouvoir expropriant(2).

    Ce droit de rétrocession est prévu explicitement par l’article 23 de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. La jurisprudence et la doctrine estiment que ce droit est également d’application dans le cadre de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d’extrême urgence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

    Ce droit est cependant exclu par diverses lois d’habilitation (lois qui permettent à la puissance publique de procéder à une expropriation dans des circonstances déterminées et suivants des modalités particulières), dont la loi du 30 décembre 1970 sur l’expansion économique.

    Ensuite, quant à l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 25 septembre 2014 que vous évoquez celle-ci a répondu à une question préjudicielle du Tribunal de Première Instance de Termonde et portait sur le fait de savoir si l’exclusion de l’invocation du droit de rétrocession par l’article 30, de la loi du 30 décembre 1970 sur l’expansion économique ne violait pas les principes d’égalité et de non-discrimination.

    En son arrêt, la Cour a estimé que la question préjudicielle appelait une réponse affirmative.

    Quant à la portée d’un arrêt de la Cour Constitutionnelle rendu sur une question préjudicielle, celui-ci a une autorité relative, en tant qu’elle est limitée au procès ayant donné lieu au renvoi de la question(3). Cependant, cette autorité relative est dite « renforcée », en tant qu’elle s’étend à « toute autre juridiction, saisie d’un litige ultérieur, qui serait confrontée à la même question que celle ayant donné lieu à l’arrêt préjudiciel »(4).

    Il est à noter que l’article 30 de la loi du 30 décembre 1970 sur l’expansion économique, a été presque intégralement abrogé en Région wallonne, le 24 novembre 2004, par l’article 24 du décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d’accueil des activités économiques.

    Néanmoins une autre disposition exclut, dans le même décret (article 11), le droit de rétrocession.

    Par conséquent, lors d’une prochaine réforme dudit décret, il y aura lieu d’évaluer la pertinence de supprimer l’exclusion du droit de rétrocession et, le cas échéant, de prévoir les modalités d’application de ce droit.


    ___________________________________
    (1) E. Causin, "L'expropriation", in X., Guide de droit immobilier, VII.2bis.1.5, Waterloo, Kluwer, 1998, pp. 158-159
    (2) V. Defraiteur, "Le droit de rétrocession en matière d'expropriation", J.T., 2012, p. 154
    (3) M. Verdussen, Justice constitutionnelle, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 281
    (4) Id., p. 284